« Mon rêve est de retourner en arrière et revivre ce que j’ai vécu » - Zoé, Bloc 1 UNamur

Il y a tout juste deux ans, Zoé était en cinquième secondaire. À cette époque, elle pensait à son entrée à l’université. Dès lors, un mot lui venait à l’esprit : « liberté ». Aujourd’hui, en 2021, celui qui reflète sa vie d’étudiante est « solitude ».

Zoé a 19 ans et a débuté des études de Pharmacie à l’UNamur en septembre 2020. Depuis ce jour, cette étudiante originaire de la région de Charleroi passe ses journées dans sa chambre à suivre les cours en ligne et à étudier.

On est dimanche tous les jours

Depuis la rentrée académique, Zoé rejoue le même scénario chaque jour. Elle se lève, déjeune, allume son ordinateur et regarde les vidéos envoyées par ses enseignants. Ensuite, elle fait une pause et visionne de nouveau ses vidéos en ligne jusqu’au soir.
Avant de se coucher, elle se divertit sur les réseaux sociaux pour oublier « sa journée de merde », comme elle dit. 

« On se lève et on sait que la journée sera exactement la même qu’hier. Vu qu’il n'y a plus d’activité, je ne me lève plus vraiment avec des objectifs. On a l’impression d’être en blocus continuellement et d’être dimanche tous les jours », explique l’étudiante qui souffre de cette « routine déprimante ».

De plus, son planning de cours n’est pas semblable à celui qu’elle aurait dû avoir avec des cours donnés en présentiel. « À cause de la crise, on n’a pas vraiment de journée de cours. Les profs nous envoient la matière et les vidéos et puis on s’organise comme on veut. On choisit ce qu’on veut étudier et à quel moment de la journée ou de la semaine », confie l'étudiante. 

"Quand j’étais en secondaire, je pensais à la liberté, la liberté de sortir,
la liberté de dire à mes parents : Je sors et je reviens demain matin." 

Zoé - 19 ans. 

 

En secondaire, je pensais à la liberté

Lorsqu’elle était adolescente, Zoé pensait souvent à son entrée dans l’enseignement supérieur. Cette jeune fille à l’esprit vif et scientifique songeait aux cours donnés dans les laboratoires, aux travaux pratiques et à la quantité de matière à mémoriser. De plus, la vie extrascolaire la faisait rêver.

« Quand j’étais en secondaire, je pensais à la liberté, la liberté de sortir, la liberté de dire à mes parents : "Je sors et je reviens demain matin". La liberté d’aller juste boire un verre après les cours. Juste la liberté d’une vie d’étudiant », exprime Zoé, âgée de 19 ans aujourd’hui. En ce moment, sa liberté se résume à quelques bouffées d’oxygène en allant chercher sa petite sœur à l’école ou en promenant son chien.

 

Des étudiants à cran

Pour Zoé, il n’y a pas photo : elle n’a pas vécu les deux confinements de la même manière. Selon l’étudiante, le premier confinement était un peu plus facile à vivre car elle gardait un contact avec ses camarades et le corps enseignant : « En rhéto, on était un groupe bien solide et on s’entraidait. Ici, à l’université, le cadre est totalement différent ». En effet, lors de la rentrée, l’étudiante ne connaissait que quelques personnes sur le campus namurois, grâce aux cours suivis en présentiel entre la mi-septembre et début novembre 2020. Lors du deuxième confinement, quand les cours en ligne sont devenus obligatoires, Zoé a eu plus de difficulté pour rencontrer de nouvelles personnes et tisser des liens.

Pour maintenir des relations avec les autres étudiants de sa promotion, l’étudiante discute et s’informe grâce à un groupe messenger, le système de messagerie du réseau social Facebook. De manière générale, il s’agit d’une bonne solution pour partager et s’entraider. Mais Zoé ressent beaucoup d’agressivité dans certains messages de ses camarades de classe virtuelle.

 

"On a peur pour notre année et on a justement besoin d’accompagnement et d’être rassurés."

 

« Je trouve que les gens ont l’air à cran. Peut-être que c’est juste dans mon groupe, mais quand on pose une question, la réponse est parfois agressive », explique-t-elle. En lisant certains messages, Zoé sent que certains étudiants se moquent de leurs semblables à cause de « stupides questions » posées dans la conversation messenger. L’étudiante comprend que la crise sanitaire est longue et difficile à vivre mais elle ne comprend pas pourquoi créer des tensions au lieu de s’aider. « On a peur pour notre année et on a justement besoin d’accompagnement et d’être rassurés. C’est vraiment dommage de se tirer dans les pattes ».

 

Privilégier la santé mentale ou santé physique ? 

Pour contrer la solitude, Zoé aimerait parfois être en kot entourée de ses amis pour passer des moments simples et légers. Mais elle sait que ce n’est pas possible pour l’instant.  

De plus, ses parents, travaillant dans le milieu médical, n’accepteraient pas qu’elle soit en communauté durant la crise. « Je vis chez mes parents et si je kottais, ils m’auraient gardée avec eux. Ils sont très strictes avec les règles et être en kot ça peut inciter à inviter des gens. De plus, j’ai des amis qui ont été en kot et qui ont eu le covid. Je m'y serais plus amusée qu’à la maison mais je ne sais pas ce qui est le mieux entre la santé mentale et la santé physique », confie la future pharmacienne.

Zoé tenait beaucoup à s’exprimer sur la situation des étudiants durant la crise. D’un côté, elle trouve immature et irrespectueux ceux qui sortent alors qu’ils savent qu’ils sont malades. Néanmoins, d’un autre côté, elle dénonce les adultes qui minimisent les conséquences de la crise sur la jeunesse. « Sur les réseaux sociaux, on voit souvent dans les commentaires : "Oh les pauvres ! Vous avez papa et maman, arrêter de pleurer". Ce n’est pas des pleurnichages. Ce n’est vraiment pas facile pour nous », s’insurge-t-elle.

 

Revivre la vie la plus normale possible

En février dernier, la jeune étudiante apprend qu’elle n'a raté qu’un seul examen lors de sa session de janvier. Une victoire après une année mouvementée. Depuis, elle se rend à l'UNamur une fois par semaine pour assister à ses travaux pratiques. Cependant, cette bouffée d'oxygène laisse place à une ambiance "spéciale" car il y a très peu de lien entre les étudiants, selon Zoé.

Concernant l’avenir, elle n’a pas de projets particuliers : « Je n’ai pas de projet incroyable. Je veux surtout revivre une vie normale. Mon rêve est de retourner un an en arrière et de revivre ce que j’ai vécu. Je fais des comparaisons et je payerais pour revenir en arrière. J’espère revivre la vie la plus normale possible et refaire les fêtes qu’on n’a pas faites », conclut Zoé.